Loïc Gaume dans l’univers des contes

Souris, grenouille, chouette, lapin, renard, sanglier ours… entassés dans un bonnet ! Dans ce petit album graphique, adressé aux enfants de 2 ½ à 5 ans, Loïc Gaume joue avec les tailles, l’accumulation, la disparition, mais aussi avec les expressions animalières. Il invite les petits à s’amuser avec le langage, les formes et les couleurs.

D’abord paru en 2019 dans le cadre d’une collaboration avec le ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui l’a offert aux petits écoliers belges entrant en maternelle, Plus de place ! parait maintenant en librairie et sort des frontières de la Belgique. Vous habitez en France et vous vous demandez où trouver le livre malgré les conditions actuelles ? Les librairies s’organisent. Elles sont toujours actives, mais autrement. Contactez votre libraire préféré•e !

Du matériel d’exploration accompagne l’album : un très beau cahier pédagogique (dans le cadre duquel cette interview a été réalisée par la Cécile Jacquet pour la FWB), et une capsule sonore réalisée par Victor Goldschmidt.

Loïc, d’où vient le projet Plus de place !?

Il faut retourner quatre années en arrière. J’avais revisité le conte russe La moufle pour en faire ma carte de vœux sous forme de petit livret. La version actuelle est le résultat du travail fait avec Fanny Deschamps (éditrice chez Versant Sud Jeunesse), qui a surtout porté sur l’oralité du texte.

À l’origine, c’est la combinaison de ces animaux, rangés du plus petit au plus grand qui m’a intéressée. Ainsi que le cocasse de la situation, de voir ces animaux, dont seule la tête est visible, et le corps comme remplacé par la moufle. Mais aussi le face à face entre l’énorme ours et la minuscule fourmi. Autant d’éléments qui pouvaient faire de ce conte une histoire tout aussi intéressante au niveau de l’image qu’au niveau du texte.

Plus de place ! fait référence à La moufle et aux contes en randonnée*. Les contes tiennent une part importante dans ton œuvre, notamment avec les Contes au carré. Quel est ton rapport au conte ?

Les contes sont des textes connus qui se prêtent au jeu de la réécriture. Il s’agit pour moi d’un terrain d’exploration qui allie récit pour enfants et ingrédients pour créer autre chose.
En effet, je pars de contes pour ces deux albums, mais la démarche est totalement différente. Dans Contes au carré, il s’agit de réécrire des contes, d’une manière concise et fidèle. Dans Plus de place !, je raconte le conte d’une autre manière, en jouant avec les notions intrinsèques au conte (le minuscule et l’énorme, l’accumulation et la disparition…) et avec un jeu de cache-cache dans les images.
Pour ce qui est des contes en randonnée, je les vois comme un cadre contraignant pour mieux créer. Dans Catastrophes !, j’ai poussé cette contrainte narrative jusqu’à la forme, avec des découpes dans le papier qui influencent l’histoire.

*qui fonctionnent sur le principe de l’ajout régulier d’un élément lecteur à un nouvel imaginaire, et enrichit son vocabulaire.

Pourquoi ce choix de texte ?

Il y a d’abord sa structure à répétition, l’humour aussi, d’imaginer un ours, un sanglier, entrer dans une moufle (qui devient un bonnet dans Plus de place !). Et la possibilité d’aborder ce conte comme un petit théâtre, avec un cadrage fixe qui me permet de mieux rendre compte du grossissement du bonnet au fur et à mesure qu’un nouvel animal entre. Jusqu’à ce que le bonnet se distende au point de couvrir entièrement la page… et devienne enfin un confetti.

À côté de cela, les animaux se prêtent particulièrement bien à des expressions langagières. C’est une façon de les personnaliser. On y trouve un lapin rusé comme un renard, ou un renard doux comme un agneau…

Le conte est-il vecteur, par la forme ou par le contenu, de valeurs, de sens ?

Le fond en fait une histoire plus profonde. Si l’on creuse du côté du sens de l’histoire, on peut se demander si les accusations contre la fourmi sont bien fondées. Il s’avère que non : la minuscule fourmi n’a pas causé, à elle seule, l’éclatement du bonnet déjà bien rempli. C’est pourtant elle qui reçoit les mécontentements et qui fuit. Il s’agit d’une forme d’injustice que les enfants peuvent facilement percevoir !

La forme des contes, comme des comptines, est en effet codée. Chaque animal répète inlassablement cette phrase enfantine, «Plus de place !», qui a pour effet d’accentuer la répétition, et de provoquer une tension dans l’histoire.

Venons-en au graphisme. Sobre, celui-ci joue de l’économie de moyens. Mais les couleurs sont très présentes.

Chaque animal est associé à une couleur. Cela permet à la fois de rythmer l’histoire et de caractériser les animaux. Le style graphique devait être simple et sobre pour être perceptible, car il y a une deuxième histoire qui ne se retrouve pas dans le texte, mais dans les images. Il s’agit du jeu des superpositions : chaque animal cache derrière lui une partie de l’animal qui est entré avant lui dans le bonnet. On trouve par exemple la moustache de la souris derrière la grenouille.
Je me suis aussi amusé à insérer un détail extérieur à l’histoire qui ne se lit qu’en deuxième lecture. Il s’agit de la souris qui se fait croquer par l’ours, ou avec laquelle joue l’ours, et qu’on ne voit pas forcément directement.

Pour le texte, quelles sont les contraintes que tu t’es données, à la fois en fonction du public très jeune auquel s’adresse le livre et du genre littéraire, le conte ? Il y a également le souci de jouer avec les mots et les expressions.

Je ne me suis pas forcé à écrire pour des enfants très jeunes. Le style résulte de la nature assez élémentaire du conte d’origine, une histoire simple et répétitive. Tout cela parle à un enfant de trois ans, il est capable de distinguer une oreille inadéquate si elle est d’une autre couleur.

L’histoire comporte des notions fondamentales à cet âge : « minuscule, énorme », « grossir, disparaître » … L’ajout des expressions animalières, par rapport au conte d’origine, ouvre le jeune lecteur à un nouvel imaginaire, et enrichit son vocabulaire.

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