Dans l’univers de Mathilde Brosset
Née à La Rochelle, Mathilde Brosset a toujours voulu raconter des histoires. Après être passée par les Beaux-arts de Bordeaux et l’université au Québec, elle vient compléter sa formation en illustration à Saint-Luc à Bruxelles… et y dépose ses valises. Quand elle ne travaille pas dans son atelier sous les toits, elle anime des ateliers d’enfants. Malgré son joli coup de crayon, ce sont les ciseaux qu’elle utilise pour construire ses illustrations. Elle mêle les couleurs et les textures avec des tableaux de maîtres… coupés en petits morceaux !
Après être resté longtemps confiné dans ses cartons, La ballade de Lino, son dernier album, peut enfin sortir en librairie. C’est un livre joyeux, musical, dans lequel un zèbre saltimbanque se lie d’amitié avec un poisson, trois moutons, un héron et deux caméléons. Jeux de sonorités, invitation au voyage, cet album conte à la fois une balade et une ballade.
Mathilde, peux-tu nous raconter ton parcours dans le monde de l’illustration ? Comment y es-tu venue, comment t’es-tu formée ?
J’aime les histoires. Qu’elles soient dans les livres, les films ou au théâtre… Enfant, je voulais être marionnettiste ou scénariste. J’ai toujours exploré le rapport texte / image à tel point que lorsque j’ai obtenu mon diplôme aux Beaux-arts de Bordeaux, mon travail a été jugé trop illustratif ! Après une année à l’université de Montréal, j’ai étudié à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles. Quelques années après, en me promenant le long des canaux de Bruges, j’ai imaginé l’histoire de Meunier, tu dors ? (publié en 2016 à l’Atelier du poisson soluble). Deux autres albums ont suivi : Le bout de la ligne et Me fais pas rire !
Comment est née La ballade de Lino ?
J’ai créé le personnage de Lino il y a plusieurs années. Au début, il s’appelait Oki et avançait seul sur les routes, caravane à l’épaule. Ce projet est resté en suspend jusqu’à ma rencontre avec Fanny Deschamps, des éditions Versant Sud. Ensemble, nous avons retravaillé le récit tout en gardant l’univers que j’avais créé. Oki est devenu Lino, un zèbre troubadour qui, sur son chemin, rencontre Octave, le poisson bulleur, trois moutons cascadeurs, Igor le marchand de glace et Candy et Sandy, deux caméléons punks lassés de leur village. J’ai voulu donner au texte un rythme et un phrasé proches de la ballade afin de renouer avec une tradition du conte oral à laquelle je suis très attachée.
Tu travailles tes illustrations en utilisant les collages. Peux-tu nous décrire comment tu construis une image ?
Je réalise des grands formats, ce que le collage permet facilement. Je commence par dessiner mon image au trait avant de la mettre en couleurs en découpant différentes matières. Les compositions peuvent changer plusieurs fois avant d’être fixées sur leur support. Un peu comme un puzzle dont on bouge les pièces.
J’ai sur mon bureau plusieurs tiroirs remplis de papiers : papiers à motifs, aplats de peinture, extraits de magazines dans lesquels je viens choisir les différentes matières qui composent mes illustrations. Pour Lino, je voulais créer une ambiance chaleureuse et festive. Des aplats de peinture m’ont servi pour les décors. Pour les personnages, les maisons et la végétation, j’ai découpé des livres d’art reprenant les tableaux de Memling, Botticelli ou Velázquez. On peut apercevoir certains détails des tableaux dans mes dessins.
Qu’est-ce que tu préfères dans ton travail ?
Les maisons. Qu’elles prennent la forme d’un moulin à vent, de carrelets grimpés sur des pilotis, de maisonnettes ou de cabanes dans les arbres, je prends toujours beaucoup de plaisir à dessiner des maisons.
Qu’est-ce qui t’inspire ?
L’un de mes premiers coups de cœur a été une adaptation théâtrale de Crasse Tignasse d’Heinrich Hoffmann vue lorsque j’étais enfant. J’ai aussi en tête un vieux vinyle des Frères Jacques qui jouaient les textes de Jacques Prévert, dont La pêche à la baleine qui, je crois, me faisait un peu peur ! En règle générale, j’attache une grande importance à l’histoire et à la manière dont elle est écrite. C’est pourquoi j’apprécie énormément l’œuvre de Corentin, Camille Jourdy, ou Quentin Blake même s’ils sont très loin de mon univers graphique. L’un de mes albums préféré – car il me fait toujours rire même après l’avoir lu et relu – est Le Chevalier noir d’Antonin Louchard.
Tu réalises beaucoup d’animations avec des enfants. Qu’est-ce que cela t’apporte en tant qu’artiste ?
La création d’un album est une étape plutôt introspective, durant laquelle je suis seule avec mon projet. Mon atelier situé sous les toits, au quatrième étage, se prête plutôt bien à cet isolement !
La sortie d’un album est importante mais la rencontre avec les enfants l’est encore plus. Je suis parfois surprise de la réaction des lecteurs qui ne rient pas toujours au moment prévu ou qui s’approprient l’histoire au-delà de mes attentes. C’est aussi une grande respiration où je peux échanger, discuter et lire des livres !
Cela fait maintenant une quinzaine d’année que j’anime des ateliers dans les écoles, les librairies et les bibliothèques. C’est pour moi un chantier de travail à part entière, pendant lequel j’explore différentes techniques sans rester exclusivement dans l’illustration collage. Mes livres servent alors de prétexte à la réalisation de marionnettes, de maquettes ou de fresques colorées…
Quels sont tes prochains projets ?
Deux projets verront bientôt le jour : un album à partir d’un texte de Ludovic Flamant aux Éditions Pastel, intitulé La dame aux 40 chats, et un autre, J’aime la galette, prévu aux éditions l’Étagère du bas… pour la galette des rois !