Dans l’univers d’Alain Verster

Des planches à la fois pleines d’humour et empreintes de nostalgie, un style reconnaissable entre tous, délicieusement rétro et plein de clins d’œil. Les illustrations du jeune illustrateur flamand Alain Verster se distinguent dans l’univers du livre pour enfant. 

Il a étudié le graphisme au KASK à Gand et travaille à temps partiel en tant que professeur d’éducation plastique. Par ailleurs, il illustre des livres pour enfants dont certains sont primés et traduits dans de nombreuses langues. Du 5 décembre 2018 au 10 février, vous pourrez admirer son travail qui sera exposé au Wolf, Maison de la Littérature de Jeunesse située au cœur de Bruxelles. Il y animera des rencontres et animations dans le cadre de l’exposition.

Son album Je te vois, et toi ?, écrit par Siska Goeminne, est sorti en français chez Versant Sud Jeunesse. Il retrace la journée d’une poignée de personnages, leurs souhaits, souvenirs et doute. Un ouvrage à mi-chemin entre le livre de texte et l’album illustré, d’une grande délicatesse et plein d’humanité. Il fait partie de la sélection de la Petite Fureur 2018.

Alain, qu’est-ce qui t’a plu dans le texte de Siska Goemine ?

Le texte de Siska m’a instinctivement touché. Lorsque j’ai lu le texte pour la première fois, j’ai immédiatement eu une vue d’ensemble de ce à quoi les illustrations pourraient ressembler. L’histoire a pris vie dans ma tête, pour ainsi dire. Chaque fois qu’un nouveau personnage est mis en lumière, on a un aperçu de sa vie. J’aime le fait qu’il y ait une alternance entre la place, qui est le dénominateur commun, et les différents personnages.

Tu travailles selon une technique bien particulière. Peux-tu nous en parler ?

Dans mes illustrations, j’essaie de trouver de manière intuitive un langage visuel poétique et harmonieux. Avec un simple morceau de ruban adhésif, une fascination pour les détails et un sens des matières, je construis minutieusement mes illustrations avec des images superposées en couches.

Les photographies anciennes constituent la base de mes personnages et apportent une touche de nostalgie à mes illustrations. Ces photos sont d’abord traitées numériquement, puis je les imprime sur du papier non couché et je les travaille avec du ruban adhésif. Cela me donne une reproduction brute et un peu floue de mon image originale. Ensuite, j’ajoute du caractère à ces personnages en accentuant certains traits au crayon, à l’acrylique et à la peinture à l’huile.

En plus de ce procédé de reproduction graphique, j’applique des structures brutes de couleurs à l’arrière-plan. Cela permet d’obtenir un jeu de lignes brutes qui apportent une dynamique à travers les illustrations. Ma palette de couleurs, très sobre, est inspirée par les vêtements des années 1920 à 1950, où l’on trouvait de nombreuses teintes de gris, de bleu et de brun. Cette palette s’harmonise bien avec les anciennes photographies que j’utilise pour mes personnages. Cela dit, j’essaie d’appliquer de plus en plus de couleurs dans mes illustrations. Je combine enfin tous ces différents éléments sur mon écran et je compose une seule image.

Malgré le procédé numérique, j’essaie de conserver la matière de mes dessins originaux dans mes illustrations, afin qu’on ait un sentiment d’imperfection. Je pense que c’est précisément là que réside l’émotion de mes images. Rien n’est plus beau que de retrouver la main de l’artiste et les traces de son matériau dans son travail.

Quelles sont tes influences et tes références ? 

Mes principales influences sont les différents stimuli visuels que je reçois au cours de la journée. Cela peut être une peinture, une affiche ou un événement dans la rue… Ces impressions sont conservées dans ma tête et, lors de l’illustration, elles sont traitées – consciemment ou inconsciemment. Souvent, je regarde des séries ou j’écoute de la musique tout en dessinant et, par la suite, on remarque des liens entre les deux. Cela peut aller des couleurs, du style des personnages, à la décoration intérieure.  Bien entendu, j’ai de bons exemples de références, comme l’illustrateur Jon Klassen, le réalisateur Wes Anderson, l’artiste Rinus van de Velde et Carll Cneut. Ce dernier était mon professeur à la KASK (école d’illustration à Gand, ndlr) et m’a aidé à trouver mon identité d’illustrateur.

Tu as illustré six livres, écrits par différents auteurs. As-tu envie d’écrire tes propres histoires ? 

Cela me semble être un énorme défi d’à la fois écrire et illustrer l’histoire de son propre livre. D’un côté, concevoir son propre monde donne une immense liberté, mais d’un autre, il est également merveilleux de proposer sa propre interprétation à un texte rédigé par un auteur. À l’académie, j’écrivais toujours mes propres histoires, mais après avoir obtenu mon diplôme, j’ai pu travailler avec des textes magnifiques. L’ambition d’écrire ma propre histoire est là, alors qui sait ?

Tu as l’habitude de travailler avec des enfants, qu’est-ce que cela t’apporte dans ton travail d’illustration ?

J’aime tout simplement transmettre un peu de ma passion pour le travail plastique à mes élèves. Travailler avec les jeunes générations permet d’avoir un aperçu plus approfondi de leur monde, et cela se répercute inconsciemment dans mes illustrations. Pour autant, dans mes albums, je ne me concentre pas consciemment sur les enfants, mais j’essaie de faire un livre aussi beau que possible.

Quels sont tes projets ?

Je travaille pour le moment avec Tine Mortier sur un livre d’images qui parle de l’hiver. J’espère donc qu’il va bientôt neiger pour être dans le ton juste.