Sara Gréselle dans l’univers des quokkas

Connaissez-vous les quokkas ? Allez voir sur le web, vous tomberez sur des photos étonnantes !
Dans son nouvel album, Le sourire d’Yvon Quokka, Sara Gréselle vous fait découvrir ce souriant marsupial dans un récit subtil où l’on apprend à écouter ses émotions. Sa technique graphique a évolué par rapport à ses précédents livres, faisant la part belle au crayon de couleur dans une atmosphère festive et chaleureuse.
Nous lui avons posé quelques questions pour vous faire découvrir les coulisses de ce livre.

Sara, comment as-tu découvert ce souriant marsupial qu’est le quokka ? Et peux-tu nous dire deux mots de lui ?

Au détour d’une conversation sur les ruptures amoureuses et le besoin de regarder des vidéos d’animaux mignons, une amie illustratrice, Émilie Plateau, me parle du quokka. Je me rappelle avoir répondu « le… quoi ? » Elle me montre une photo de cet animal australien considéré comme l’espèce la plus heureuse du monde grâce à son sourire permanent. Je suis tombée en pâmoison devant ce petit marsupial à l’allure si joviale et si douce… Puis, cette amie m’a lancé comme un défi : « Tu devrais faire un livre avec les quokkas ». À cet instant, sans même que je ne m’en sois rendu compte, une petite graine est semée dans ma tête.
Quelques jours plus tard, je me réveille avec un début d’idée : et si un bébé quokka naissait avec un air tout triste au sein d’une famille continuellement souriante ? Que se passe-t-il quand un personnage ne comble pas les attentes de ses proches ? Aussi, j’ai aimé l’idée de passer mes journées à dessiner des animaux qui sourient, d’inventer des situations comiques et, par là même, de sourire moi aussi.

Qu’as-tu voulu exprimer dans ce livre ?

L’histoire du Sourire d’Yvon Quokka m’est venue lorsque je traversais une période difficile dans ma vie personnelle. Des questionnements m’habitaient tels que : « Que peut-on faire de sa tristesse lorsque les injonctions au bonheur nous entourent, voire nous oppressent ? » ou encore : « Faut-il obligatoirement cacher cette tristesse ? »
Le thème du masque est présent tout au long du livre. D’ailleurs, le masque théâtral est un outil avec lequel j’ai travaillé pendant longtemps, son aspect « double », entre dissimulation et révélation, m’a toujours intéressée. Et il y a aussi le masque social… Quel visage montre-t-on aux autres ?

On peut se demander si le sourire permanent qu’arbore toute la famille Quokka est un vrai élan de joie sincère ou bien une façade qui peut cacher certains malaises. La scène du carnaval est pour moi une scène clé. Yvon se résout à se dessiner pour lui-même un masque grotesque au sourire immense, pour faire plaisir à ses parents. Le masque d’Yvon finit par casser et tomber par terre au contact fracassant d’un autre personnage. Yvon découvre Isabelle Paresseux qui ne ressemble en rien au masque de léopard qu’elle porte. Il sent qu’il peut être enfin lui-même pour la première fois de sa vie sans que cela pose un problème. Détaché du regard familial pesant, il va faire l’expérience d’un premier vrai sourire.
J’ai la conviction que la famille ne peut être l’endroit propice à l’autonomie, à l’expérience de la liberté et au déploiement de l’individu. Heureusement qu’il existe d’autres cercles, d’autres voies émancipatrices, comme l’amitié par exemple. Cette pensée constitue mes propres fondements et m’a poussé à écrire cette histoire.

Comment as-tu conçu ton histoire ? Quelles ont été tes étapes de travail ?

La trame narrative m’est apparue assez rapidement. J’ai vu très vite des petites scènes comiques que j’ai écrites et dessinées, comme celles montrant les parents d’Yvon qui essaient par tous les moyens de le faire sourire. Je me suis vraiment amusée avec le désir presque maladif des quokkas à vouloir sourire et rire en toute occasion.
Il y a un aller-retour permanent entre écriture et dessin. Pour moi, l’enjeu de ce type d’écriture est d’aller au bout d’une situation (qui devient invivable pour Yvon), jusqu’à la cassure, puis vers un changement. Et faire en sorte que toutes ces étapes soient le plus fluides possibles…
Les livres de Rosemary Wells, autrice illustratrice américaine, restent une référence pour moi. J’affectionne sa série des Max, et puis tous ces personnages de lapins traversés par diverses d’émotions…

On constate chez toi une évolution graphique et technique d’un livre à l’autre. Comment as-tu réalisé les dessins du Sourire d’Yvon Quokka ?

J’ai d’abord fait des essais d’encre et d’aquarelle pour mes personnages de quokkas, mais ils ne m’ont convaincue qu’à moitié. Un jour, j’ai pris un vieux feutre couleur sable très usé et j’ai fait la tête d’un quokka avec. L’effet « fondu » (presque comme un nuage) m’a tout de suite plu. J’ai mélangé cette technique un peu hasardeuse avec des crayons de couleur. Je reviens toujours au crayon, mon outil préféré. J’aimais l’idée de ne pas tout cerner dans mon dessin. Je voulais de la légèreté autant dans mon histoire que dans l’esthétique. Comme à mon habitude, j’ai travaillé avec une palette réduite de couleurs : ici les tons chauds et ocres ont pris le dessus. Je voulais ce livre lumineux et accorder plus d’attention à la couleur pour celui-ci.
Une petite anecdote qui me fait encore sourire : pour obtenir ce même effet duveteux sur tous les quokkas, il m’a fallu acheter une dizaine de feutres de la même teinte et les abimer volontairement, les épuiser jusqu’à la moelle, écraser leur mine avec mes chaussures, les jeter contre le mur (j’exagère à peine). Derrière la douceur des dessins d’Yvon Quokka se cache une certaine violence ! (rires).

Quelle est ton actualité, quels sont tes projets à venir ?

Je travaille pour l’instant sur une histoire onirique, Léonie de nuit, qui met en scène la rencontre d’une petite fille aux cheveux roux et une mystérieuse panthère de l’espace. C’est un vrai défi pour moi que de représenter la nuit entièrement au crayon de couleur tout au long d’un livre !

Et puis, un autre projet se prépare en collaboration avec l’auteur Ludovic Flamant : Ismolène et Chipolata, une forme hybride entre album et bande dessinée qui raconte les folles aventures de deux chiennes qui volent la voiture de leur maitre pour aller voir la mer.

VIDEO
Sara Gréselle était l’invitée de David Courier dans l’émission LCR sur BX1. Elle y a parlé de ses quokkas !
A revoir ici.